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Le Jedi contre-attaque


Après l’affligeant " épisode 1 " de la saga Starwars, George Lucas a repris du poil de Chewbacca et s’est fait souffler deux trois conseils à l’oreille par Maître Yoda en personne. Du coup, la Force est à nouveau avec lui pour un épisode plus rythmé, plus sombre mais aussi plus romantique qui renoue avec l’esprit de la trilogie originale.

Fantastique. Grandiose. Epoustouflant. C’est comme si George Lucas avait repris les points positifs en germe dans le précédent volet et en avait complètement renversé tous les défauts. Plus qu’un grand cru, un millésime. La Menace fantôme apparaissait comme froid et aseptisé ? L’attaque des clones nous offre une histoire d’amour, une vraie (et tant pis pour ceux qui la jugeront " gnangnan " ou " rose bonbon "). Les personnages manquaient d’identité et de profondeur, perdus qu’ils étaient entre des masses qui les dépassaient et des effets spéciaux écrasants ? Revoilà les picaros interstellaires du temps jadis, mais aussi des personnages tiraillés entre leur devoir et leur conscience. Le rythme du précédent film était désastreux (plutôt mou dans l’ensemble, avec quelques " morceaux de bravoure " mal gérés, arrivant comme un cheveu sur la soupe) ? Un souffle épique traverse les 2h 10 du nouvel opus, entre courses-poursuites ahurissantes, duels au sommet et batailles géantes. L’épisode 1 peinait à mettre maladroitement en place tout un arrière-plan géopolitique (façon Dune), l’épisode 2 en joue sans l’ombre d’un problème, donnant au spectateur l’impression d’avoir toujours vécu au sein de la République galactique.

Mais revenons où tout a commencé. L’épisode 2 de la saga débute 10 ans après le premier (et un peu plus de vingt avant la trilogie tournée dans les années 70-80, pour ceux qui n’auraient pas suivis l’affaire). Anakin Skywalker, l’enfant découvert par Obi-Wan Kenobi sur Tatooine, a grandi ; il a maintenant une vingtaine d’années et est devenu padawan, c’est-à-dire apprenti Jedi. Ses dons sont remarquables, mais son arrogance lui vaut les constantes réprobations d’Obi-Wan. Il retrouve Padmé Amidala, l’ancienne reine de Naboo, devenue sénatrice, et est chargé d’en assurer la sécurité. Car la carrière politique de la jeune femme, aussi brillante que belle, lui a attiré pas mal d’inimitiés, et elle échappe de peu à un attentat. Il faut dire que la République est en pleine crise, plusieurs systèmes solaires menaçant de faire sécession, sous l’impulsion notamment d’anciens Chevaliers Jedi passés du Côté Obscur et bien sûr de la très peu scrupuleuse Fédération du Commerce (qu’on avait déjà vu à l’œuvre dans le précédent volet). Le Sénat votera-t-il les pleins pouvoirs à l’ambitieux sénateur Palpatine, qui veut lever une grande armée ? Tandis qu’Obi-Wan part à la découverte d’une armée de clones secrètement mise en place au nom de la République, Anakin reste seul avec Padmé, qui hante ses rêves depuis dix ans… Pour l’ordre Jedi, attaché à la diplomatie mais faiblissant, l’heure du baroud d’honneur a sonné.

Mêlant avec maestria la petite histoire à la grande (en tant que Jedi, Anakin n’est censé connaître ni la haine ni l’amour s’il ne veut pas risquer de sombrer du Côté Obscur ; mais sachant qu’Anakin est le futur Dark Vador ainsi que le futur père de Luke et Leia, on se doute bien que l’engagement ne sera pas forcément respecté), alliant l’action, le romantisme, et même (un peu) l’humour, George Lucas redonne tout son sens au terme de space opera. Il y avait longtemps qu’on avait pas assisté à quelque chose de semblable. Il y avait, aussi, urgence, si Lucas ne voulait pas se faire passer au fil du sabre-laser. Certes la sortie d’un volet de la saga signifie un carton assuré côté financier, mais il fallait aussi satisfaire les fans, qui ne se contenteraient pas de cette simple logique commerciale, à qui l’on devait déjà le ratage total de la Menace fantôme et même, dans une certaine mesure, d’une partie du Retour du Jedi (1983). Autant dire que ce nouvel épisode de la saga était attendu de pieds fermes. Attente proportionnelle au nombre et de rumeurs et de spéculations les plus folles ayant circulé sur le net (Fincher, Besson, Spielberg ou Ridley Scott à la réalisation, Christopher Walken et Jet Li au casting, ou encore des scènes improbables comme le viol de la mère d’Anakin par le Maître Jedi Mace Windu, sobrement incarné à l’écran par Samuel L. Jackson) ainsi qu’au budget du film (100 millions de dollars pour deux mois de tournage, deux ans de post-production, 2200 plans d’effets visuels, des kilomètres de pellicule – dont 360 de rushs – et 69 décors et lieux différents tournés dans cinq pays). Lucas renoue heureusement, et peut-être in extremis, avec l’esprit des premiers épisodes, avec lesquels il noue aussi un jeu d’échos (le début du combat d’Anakin, Padmé et Obi-Wan enfermés dans une arène avec des montres patibulaires, par exemple, n’est pas sans évoquer la situation très similaire où se trouvait Luke Skywalker, venu dans l’antre de Jaba le Hutt délivrer Leia et Han Solo au début du Retour du Jedi) et bien sûr d’effets d’annonce : ainsi, on apprendra les origines du chasseur de primes Boba Fett, personnage culte de la première trilogie, et les raisons de sa haine envers les Jedi ; plus loin, on reconnaît dans les plans de " l’arme secrète " des séparatistes… l’Etoile Noire, futur vaisseau et QG de l’Empereur et de Dark Vador ; on croisera aussi la famille Lars, dont les enfants ne sont autre que l’oncle Owen et la tante Beru de Luke… De quoi amuser les zygomatiques des fans purs et durs (pour ceux-là, une petite question pour la route : dans quel épisode de la saga originale Obi-Wan annonçait-il à Luke : " J’ai combattu avec ton père dans la Guerre des Clones " ?*).

Au niveau de la stricte réalisation, force est de constater que George Lucas utilise le tout-numérique avec beaucoup plus de talent que Pitof ne l’avait fait pour Vidocq : non seulement l’image n’a aucun défaut (la seule différence perceptible avec une pellicule ordinaire, c’est l’omniprésence d’effets spéciaux ébouriffants), mais le spectateur est emporté, happé, au sein même de l’action : on ressent les vrombissements et le fracas des machines, on se laisse emporter dans les mouvements de caméra sophistiqués, on admire les paysages – splendides – qui évoquent tantôt une mégalopole futuriste (à mi-chemin de Blade runner de Ridley Scott et du Cinquième élément de Besson), tantôt la Renaissance italienne, ou encore l’Orient ou la Rome antique… bref on s’en prend plein les yeux pendant deux heures de toutes les façons possibles et imaginables. Et puis il y a la musique de John Williams : depuis vingt-cinq ans maintenant qu’il peaufine les thèmes et les arrangements de la saga et en ajoute de nouveaux (dont ici, pour la première fois, un love theme qui laisse rêveur), le talent de l’éternel complice de Lucas n’a pas pris une ride. Et le film de se conclure, symboliquement, sur la mythique autant qu’inquiétante Marche impériale, qui annonce la sombre suite des événements (à venir dans trois ans).

Parlons, enfin, casting. L’annonce d’un acteur quasi-inconnu, le Canadien Hayden Christensen, qui ne s’était guère illustré que dans quelques séries-télé locales, a étonné. Le résultat de ce choix encore plus : le jeune homme incarne à merveille un Anakin Skywalker en équilibre instable entre les deux côtés de la Force, il est véritablement le personnage. Autre excellent choix, Natalie Portman, qui reprend le rôle de Padmé qu’elle incarnait dans la Menace fantôme, mais qui, débarrassée des lourd oripeaux de la royauté nabooéenne, révèle une féminité plus affirmée, dans des tenues plus adéquates à l’expression de son charme : même connaissant les conséquences, on peut difficilement jeter la pierre à Anakin de tomber amoureux d’elle. Elle illumine littéralement le film. Dans le rôle – souvent drôle – d’Obi-Wan Kenobi, Ewan McGregor arbore à présent une barbe qui le rapproche du look de l’Obi-Wan de la première triologie (Alec Guiness). Maître Windu, on l’a dit, est interprété par Samuel L. Jackson. Enfin, du Côté Obscur, le Sénateur Palpatine, futur empereur, est assez bien joué par Ian McDiarmid, mais c’est surtout Christopher Lee, dans le rôle du machiavélique comte Dooku, chef charismatique des séparatistes, qui fait sensation.

Bref, il ne reste plus qu’à courir voir le film… en espérant que le troisième épisode sera à la hauteur de celui-ci.
 
 

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* Réponse: l’Empire contre-attaque