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Toiles d’araignée et bottes de cuir


Le cinéma américain nous offre parfois la preuve que ses grosses productions ne sont pas (toujours) incompatibles avec un peu d’originalité. C’est le cas avec Spiderman, l’adaptation du célèbre comic book de Stan Lee, qui, outre ses effets spéciaux particulièrement réussis, bénéficie d’une prestation étonnante de Tobey Maguire.

Mordu par une araignée génétiquement modifiée alors qu’il visite un laboratoire pour le journal de son école, Peter Parker, étudiant new-yorkais d’une banalité affligeante, se voit soudain doté de super-pouvoirs : force et souplesse accrues, capacité de grimper sans problème le long des murs ou de faire jaillir de ses poignets des toiles hyper-résistantes… Mais Peter va bientôt comprendre (dans des circonstances forcément tragiques) que de super-pouvoirs entraînent de super-responsabilités, surtout que le père de son colocataire se révèle être, non seulement un industriel mégalomane, mais un super-méchant super-armé qu’une super-bévue dans une expérience scientifique a transformé en super-bargeot super-schizo bref… super-dangereux.

La transposition à l’écran de comic books américains, si elle s’avère généralement lucrative, reste du point de vue artistique une entreprise à haut risque tant elle demande, déjà, comme toute adaptation, une appropriation de l’univers originel par le réalisateur, mais également un travail d’équilibriste entre l’esthétique du dessin et celle l’image – cette dernière se révélant beaucoup plus encline à sombrer dans le ridicule. On croyait d’ailleurs le genre complètement enterré après l’échec – bien mérité – du navrant et fluorescent Batman 4 de Joel Schumacher, mais le succès du X-Men de Bryan Singer en 1999 a changé la donne.

Qu’en est-il de ce Spiderman à proprement parler ? Au-delà d’un certain classicisme dans l’organisation du scénario de David Koepp, la première (bonne) surprise de cette adaptation nous vient de son casting. Tobey Maguire, l’interprète de Peter Parker, a plutôt une image éloignée des grosses machines hollywoodiennes : Ice Storm et Chevauchée avec le diable de Ang Lee puis Wonder Boys de Curtis Hanson, pour ne citer qu’eux, lui avaient permis, dans différents registres, de nous offrir des prestations remarquables et mémorables. On pouvait craindre cependant que son passage à une grosse production comme Spiderman ne se fasse pas sans dommage. La liaison se fait par le fait que, une fois son costume de lycra remisé au placard, Peter Parker est un personnage de looser absolu, de complexé pathétique, tête de turc de ses camarades de classe et bien entendu incapable d’avouer son amour à la jolie Mary-Jane, qu’il est le seul à aimer depuis le cours préparatoire et à comprendre véritablement mais dont il se fait à chaque fois voler les faveurs par des petits copains ringards mais plus séduisants que lui. Au passage, " M.J. " est interprétée avec beaucoup de talent et de sensibilité par Kirsten Dunst, qu’après Entretien avec un vampire de Neil Jordan (94) et The virgin suicides de Sofia Coppola (2000), on n’en finit pas de redécouvrir. Il est simplement dommage que le troisième comparse, Willem Dafoe, en fasse des tonnes de trop dans le rôle du méchant " Bouffon Vert " – Green Goblin en V.O. – avec des grimaces dignes de Jim Carrey…

Mais une bonne interprétation ne suffit évidemment pas au succès d’un film comme Spiderman. En l’occurrence, les effets spéciaux sont tout simplement ébouriffants (avec Tobey Maguire volant comme le papillon, piquant comme l’abeille – non pardon, ça c’est Mohammed Ali – et se baladant d’immeubles en immeubles accroché à ses fils), les scènes d’action sont dans l’ensemble plutôt bien fichues et la réalisation est même souvent surprenante – surtout pour ceux qui connaissent Sam Raimi, le réalisateur, certes un fan de la première heure, pur et dur, vrai de vrai, de la BD originale, mais dont les précédentes œuvres ne comptent pas franchement parmi les chefs-d’œuvre immortels du 7ème Art. Ça, c’est l’autre bonne nouvelle du film.

Notons quand même qu’il aura fallu dix-sept ans d’imbroglios financiers et judiciaires entre grosses compagnies et soixante cartons de procès-verbaux pour que le projet aboutisse. Mais après tout, cela a laissé le temps aux effets spéciaux de parvenir au niveau nécessaire à la réalisation du film (les deux adaptations sorties dans les années 70 faisant encore rire ceux qui les ont vues). En tout cas, une chose est sûre : après le démarrage record du film aux Etats-Unis, un Spiderman 2 a déjà été mis en chantier ; il sera tourné l’année prochaine, Sam Raimi sera à nouveau derrière la caméra, Tobey Maguire et Kirsten Dunst devant. Et ça, c’est encore une bonne surprise de plus. Décidément, il est fort, ce Spiderman…