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Psychose à tous les étages


Avec Panic room, David Fincher signe un cinquième long-métrage virtuose et oppressant. Bien que moins personnel que ses précédents films, le résultat n’en reste pas moins impressionnant et bénéficie en prime d’une remarquable interprétation de Jodie Foster.

Meg Altman, récemment divorcée, cherche une nouvelle maison. Elle emménage avec sa fille Sarah dans la gigantesque habitation, en plein cœur de Manhattan, d’un milliardaire récemment décédé. Aussi riche que paranoïaque, l’ancien propriétaire s’était fait construire une " chambre de survie " (panic room), pièce secrète et inexpugnable, où l’on peut surveiller toute la maison et surtout se réfugier en cas d’attaque. Si Meg n’aura guère le temps de profiter de la demeure, elle va par contre bientôt avoir à vérifier les qualités de cette panic room, puisque, dès la première nuit, trois cambrioleurs, croyant la résidence encore inhabitée, pénètrent chez elle. Meg et Sarah n’ont que le temps de se réfugier dans la pièce secrète. Malheureusement, ce que les intrus cherchent – un magot de plusieurs millions de dollars – est précisément dans cette pièce.

Ceci posé, le scénario est minimaliste quasiment jusqu’au conceptuel : la mère et la fille sont à l’intérieur de la pièce, les trois malfrats essaient d’y entrer ; au milieu du film, l’arrivée de l’ex-mari et sa transformation en punching ball entraînent l’inversion des rôles. On reconnaît dans le magot planqué dans la pièce secrèteun " MacGuffin " typique – le prétexte qui initialise l’action du film, même s’il ne s’avère pas du tout la préoccupation première du spectateur –, un concept hérité d’Hitchcock, surtout que le film est truffé de références au maître (le générique d’ouverture, écrit sur les gratte-ciel comme celui de la Mort aux trousses ; le rôle des escaliers, élément essentiel de la dramaturgie hitchockienne ; des allusions visuelles à plusieurs films, comme la Corde ou Fenêtre sur cour…) ainsi qu’à son fils spirituel Brian De Palma (le scénariste, David Koepp, a d’ailleurs signé plusieurs films pour ce dernier, dont l’Impasse et Mission : impossible). Il n’empêche, le synopsis peut quand même paraître un peu mince par rapport aux autres films de Fincher, moins original surtout. On retrouve certes dans Panic room la claustration d’Alien 3, la paranoïa de The game, l’ambiance pesante de Seven et le punch de Fight club ; mais après les relents anarchistes de ce dernier, il s’agissait aussi de rassurer les producteurs US, sans doute quelque peu effrayés.

En l’absence d’un scénario parfaitement à la hauteur, Fincher s’en rabat donc sur la réalisation pour prouver son talent. Et là, pas de doute, il sait toujours autant clouer les spectateurs au fin fond de leurs fauteuils : pendant près de deux heures, des premières minutes avec la musique oppressante d’Howard Shore jusqu’aux dernières images qui ne parviennent pas vraiment à faire redescendre notre rythme cardiaque, Fincher impose une atmosphère asphyxiante, contrebalancée par une indéniable virtuosité, que ce soit dans des plans-séquences qu’on aurait cru impossibles à jamais réaliser (Fincher abuse, parfois, des effets numériques, mais c’est pour la bonne cause) ou dans d’autres scènes caractérisés par une mise en scène au cordeau, un découpage des images à couper le souffle. Le tout est à déconseiller aux claustrophobes (à ceux qui le sont déjà avant d’avoir vu le film, s’entend) et au paranoïaques (idem). Fincher met à jour la psychose de l’homme urbain américain, sa peur des autres – véritable phénomène de mode, les panic rooms existent vraiment, les " sauvageons " made in New York semblent vraiment effrayer les habitants des beaux quartiers – son désir de surveillance et l’absence de communication qui en résulte finalement.

Et puis il y a les acteurs. En ce qui concerne les trois intrus, il y a Jared Leto en petite frappe survoltée, Dwight Yoakam en psychopathe cagoulé, mais on retiendra avant tout Forest Whitaker en méchant pas trop méchant (proche du rôle qu’il tenait dans Ghost Dog de Jarmush). La prometteuse Kristen Stewart interprète la jeune Sarah, tandis que le vétéran Patrick Bauchau fait une apparition dans le rôle de son père. Mais surtout, surtout, il y a Jodie Foster. Elle n’avait pour ainsi dire plus connu de rôle majeur depuis Nell en 95 ; avec Panic room, sa prestation tant intellectuelle que physique, qui n’est pas sans rappeler son personnage de Clarice Sterling dans le Silence des agneaux, devrait remédier à ce manque. En battante qui " a la rage ", elle nous offre une " performance " au sens strict du terme à laquelle la réussite de ce huis-clos claustro doit beaucoup.