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Et moi, et moi, et moi…




 

Fin de partie


« Tout ce qui a commencé doit finir ». Matrix revolutions achève la saga que certains considèrent comme une référence nouvelle et désormais incontournable dans l’histoire du cinéma, et d’autres comme une arnaque hollywoodienne qui a mieux marché que les autres. En demi-teinte, ce troisième volet, en fait de grand final, pourrait bien renvoyer chacun dans son camp.

Deux cent cinquante mille Sentinelles sont sur le point de s’attaquer à Zion, la dernière cité humaine, qui organise ses dernières défenses. Néo est inconscient, son esprit coincé quelque part entre les deux mondes. Smith, se répliquant à l’infini, prolifère au point que ni les humains ni les programmes ne peuvent désormais lui résister : il pourrait bien causer la ruine aussi bien du monde des hommes que de celui des machines. Il est peut-être temps d’établir un pacte salvateur. Tandis que Morphéus et Niobé reprennent la route de Zion avec la seule arme qui peut encore stopper les Sentinelles, Néo, revenu dans le monde réel, décide, suivi de Trinity, de mettre le cap sur la cité des Machines, là où aucun humain n’a encore osé s’aventurer. Après deux longs-métrages (et neuf excellents courts), la saga Matrix touche donc à son terme dans ce dernier volet. Le précédent, trop annoncé, trop attendu peut-être, trop bavard sans doute, avait déçu un nombre important de fans. Qu’on se rassure, le troisième est sensiblement différent. Mais cela suffira-t-il ?

On ne présente plus les acteurs (Keanu Reeves, Carrie-Ann Moss, Laurence Fishburne…) et de toute façon, ici, c’est l’Histoire avec un grand H qui est en marche : Matrix revolutions privilégie les vastes plans d’ensemble, l’attaque de Zion occupant la majorité du film. Dans des robots géants tout droit sortis de l’univers manga, les héroïques rebelles dégomment de la Sentinelle à tout va avant de se faire inéluctablement charcuter à leur tour (on n’échappera pas à l’exaltation du sacrifice individuel au service de la collectivité). La quasi-intégralité de ce troisième volet se passe hors de la Matrice. Pédale douce donc sur les duels chorégraphiés et autres gunfights (Yuen Wo-Ping, rentre chez ta mère ?). Ce faisant, les Wachowski prennent le risque d’abandonner une partie de l’identité visuelle de la saga, ce qui n’est pas un mince risque quand on a affaire à des fans plus sourcilleux que ne l’espéraient les majors hollywoodiennes. – Il est vrai qu’a contrario, le second volet avait quant à lui abusé de la réutilisation des figures mises en place dans le premier.

Exit donc la Matrice, et exit, ou quasiment, Néo pendant au moins les deux tiers du film, le tout à l’exception d’une première séance qui s’accorde mal avec le reste du film. Non pas que l’idée de la station de métro, point de jonction entre les deux mondes, et en même temps piège d’où l’on ne peut s’échapper sans l’accord du conducteur du train, soit mauvaise : au contraire, c’est l’une des meilleures des Wachowski. Non pas que l’on soit mécontent de retrouver, même (très) brièvement, Monica Belluci dans une robe moulante avec un décolleté (lui aussi très) avantageux. Mais force est de constater que la scène ne « colle » pas vraiment au reste du film, qu’elle ne s’imposait absolument pas et n’apporte pas grand’chose au déroulement de l’histoire. Rapidement expédiée – un peu trop peut-être – elle aurait sans doute mérité d’être mieux exploitée (pourquoi pas dans l’un des courts-métrages d’Animatrix ?) : elle correspond plus à l’optique d’une série télévisée qu’à celle d’un un long-métrage. Quant à Néo, dans le reste du film, l’idée d’en faire, suite à un combat avec Smith, un Messie aveugle donne pour le coup une dimension quasi-« mythologique » au personnage, et à travers lui à la saga, ce que jusque-là les « allusions » modérément transparentes dans les noms des personnages n’avaient pas réussi à faire de façon convaincante.

Matrix revolutions a aussi le mérite de répondre, directement ou indirectement selon les cas, à certaines questions laissées en suspend par le précédent opus. Par exemple, si certains personnages (le Mérovingien, l’Oracle) reprennent leurs monologues fumeux sur la causalité ou le choix (de façon nettement plus brève, heureusement), on peut en déduire que c’est parce que ce sont des programmes, incapables d’une pensée innovante hors de leur système de fonctionnement, alors que les humains sont eux en proie au doute. Bon, c’est mon interprétation, de toute façon c’est ça ou alors nous avons affaire au foutage de gueule le plus prétentieux de l’histoire du cinéma de ces dernières années. Mais le film a aussi l’intelligence de laisser encore des questions en suspend, voire d’en créer encore d’autres (quel est exactement le rôle de l’Oracle ? est-elle la mère de Smith ? etc.). Quant à la fin du film, elle est assez absconse, mais vous ne vous attendiez pas à de la simplicité après plus de six heures de questions informaticométaphysiques, si ? La fin semble rester ouverte, mais promis, juré, c’est bien fini, f-i-n-i. Et c’est un peu triste à dire, mais tant mieux. Certes ce troisième long-métrage contient un certain nombre de scènes assez impressionnantes : la bataille pour le quai de Zion, le duel entre Néo et Smith, et surtout les plans dans la cité des machines, visuellement très aboutie – mais en fin de compte, cet opus se trouve cruellement dépourvu d’une scène aussi basiquement « scotchante » que, disons, la scène de l’autoroute du second volet. Matrix revolutions n’est pas un mauvais film dans son genre (soyons honnête, il est sorti nettement pire sur les écrans), mais quelque part, on en ressort en se demandant s’il était bien impératif de tourner une suite au tout premier Matrix, qui reste le plus réussi des trois longs-métrages.