Liste alphabétique des critiques

Citations

Liste chronologique des critiques

Et moi, et moi, et moi…



 
 

La fête de l'Uma continue


Se faire avoir avec une suite totalement différente de son premier volet peut être un véritable plaisir quand c’est Quentin Tarantino qui mène la danse. Présenté à Cannes, hors-compétition du fait du statut de président du jury de son réalisateur, Kill Bill volume 2 est un western-spaghetti post-moderne, où la confrontation tant attendue entre Uma Thurman et David Carradine culmine en grande histoire d’amour tragique.

« Tu ne pensais tout de même pas que ce serait aussi facile ? » « Pendant un moment, si, j’avoue que j’y ai cru. » Ce bref échange d’avant-carnage entre O-Ren (Lucy Liu) et la Mariée (Uma Thurman), dans le premier volet, aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Une fois de plus, Tarantino nous a bluffé. Si Kill Bill volume 1 pouvait paraître un peu limité sur le strict plan scénaristique, le volume 2 qui le complète (pour ne faire en réalité, rappelons-le, qu’un seul et même film de plus de quatre heures) inverse la donne. En dévoilant enfin les enjeux profonds de ce qui apparaissait jusque là comme une « simple » histoire de vendetta sanglante, Tarantino révèle une fascinante histoire d’amour entre monstres.

Mais reprenons où nous nous étions arrêtés. Et même avant, grâce au jeu de la narration éclatée dont nous sommes maintenant coutumiers : la petite chapelle de Two Pines, El Paso, Nouveau Mexique, « entrée depuis dans la légende ». Sous le nom de Harleen, la pas-encore-Mariée répète la cérémonie qui doit l’unir à un vendeur de disques lorsque résonne dehors un lancinant air de flûte. Première rencontre avec David Carradine, invisible pendant tout le volume 1. – À ce sujet, il est à regretter que les nécessités modernes de promotion (ainsi, il est vrai, que le découpage du film en deux parties par les studios, qui n’était pas prévu au départ), nous aient dévoilé depuis des mois l’identité de l’interprète de Bill, ruinant quasiment tous les effets que le réalisateur a visiblement essayé d’instaurer. – Le dialogue s’engage, sa tendresse tranche avec les massacres du précédent opus. La répétition de mariage recommence. Quatre silhouettes apparaissent à la porte. On connaît la suite... Ce point éclairci (ou presque, Quentin sachant ménager ses rebondissements), nous retrouvons notre Mariée vengeresse de retour du Japon. Trois noms restent sur sa liste : Budd, le frère de Bill, ex-membre du commando que l’alcool a transformé en épave ; Elle, sa pire rivale, déjà aperçue en « infirmière » très particulière dans le premier volume ; et pour finir, Bill lui-même. Oui mais, oui mais... rien n’est jamais aussi simple que prévu dans l’univers de Tarantino.

Le volume 2 prend le contre-pied du premier. Si le premier volet brassait principalement les influences orientales, celui-ci – malgré une longue séquence d’apprentissage auprès de Pai Mei, personnage légendaire des films de kung-fu, ici interprété par Gordon Liu – se déroule quasi-exclusivement sous le soleil du Nouveau Mexique et est placé sous le signe du western-spaghetti (Sergio Leone, Sergio Corbucci, Lee Van Cleef et quelques autres font d’ailleurs partie des remerciements en fin de générique), influence visible tant au niveau du scénario que de la mise en scène, et encore accentuée par la musique originale (une première chez Tarantino !) de l’ami Robert Rodriguez. Surtout, si l’action est toujours présente – la confrontation sauvage entre Elle et la Mariée –, elle est reléguée au second plan : le réalisateur renoue ici avec les longues plages de dialogues décalés (Elle expliquant à une de ses victimes les effets du poison qui la tue et déplorant au passage de rarement pouvoir placer le mot « gargantuesque » dans une conversation, Bill dissertant interminablement sur les super-héros de comics), et explore plus avant la psychologie de ses personnages. Fait nouveau dans son cinéma, l’émotion se taille même la part belle dans plusieurs scènes, à terminer par la grande confrontation avec Bill (difficile d’en dire plus, à part : personnellement j’en ai encore des frissons). Le pire assassin devient ici émouvant, de Budd – excellent Michael Madsen, qui renoue ici avec Tarantino – à Bill lui-même – le réalisateur offrant là, comme à son habitude, un rôle taillé sur mesure à une de ses idoles, osons même le dire (puisque Carradine le fait) : son meilleur rôle.

Il ne reste plus qu’une chose à faire : attendre la sortie de ce volume 2 en DVD pour pouvoir goûter les deux parties à la suite l’une de l’autre, réunies en un seul et même film, et tirer toutes les conséquences – et tous les plaisirs – de cette rencontre explosive, dores et déjà à inscrire en lettres de feu dans l’histoire du cinéma.