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Et moi, et moi, et moi…


Prends la bourse et tire-toi


On pouvait espérer le meilleur et craindre le pire de Blanche, l’événement annoncé de la rentrée française. Une volonté ambitieuse, une démarche originale, l’une des plus belles affiches de l’année… et Bernie Bonvoisin au scénario et à la réalisation. Bancal.

Pour prouver que la France peut faire aussi " bien " que les grosses productions U.S., Christophe Gans et Pitof avaient trouvé l’an dernier, sinon la, du moins une, solution : respectivement avec le Pacte des Loups et Vidocq, ils avaient tenté le film d’action en costume d’époque et se référant peu ou prou à l’Histoire nationale. Et bien que dans les deux cas les films se soient révélés plutôt décevants (à des titres et degrés divers), leurs résultats financiers, eux, avaient tout pour attirer dans la brèche Bernie Bonvoisin, ancien leader du groupe de rock Trust, autoproclamé depuis réalisateur avec les surestimés Démons de Jésus et le carrément désastreux Les grandes bouches. Et qui est, pour l’occasion, produit lui aussi, comme Christophe Gans, par Europa Corp., c’est-à-dire Luc Besson. Certes, on pourra peut-être me reprocher de caricaturer et de méconnaître l’originalité de la démarche. Mais quand même.

Oui, de l’originalité il y en a dans le projet de Blanche, et même une sacrée ambition : révolutionner le film de cape et d’épée. Pourquoi pas. En insérant dans le genre non seulement des scènes d’action " modernes " mais aussi (avec une dose très, très massive d’humour – honte sur moi qui ne m’étais pas rendu compte qu’il n’y en avait pas dans les vieux films de Hunnebelle avec Jean Marais !) des scories d’expressions " d’aujourd’hui ", Bonvoisin tenait un créneau pas inintéressant, d’autant que servi par – ou servant – une bonne histoire, eût-elle fait s’évanouir Alexandre Dumas qui déjà, ne se privait pas pour " violer l’Histoire afin de lui faire de beaux enfants. "

L’odieux cardinal Mazarin, donc, toujours avide de pouvoir et d’argent, se remplit allègrement les fouilles en organisant de sombres trafics, payés avec l’argent de la " Poudre du Diable " venue de Colombie, et dont il inonde les narines de la cour, Anne d’Autriche en tête. Malheur à ceux qui se dressent sur son chemin, à commencer par la famille de Péronne, exterminée par les Escadrons de la Mort, milice secrète du cardinal, avec à sa tête le non moins ignoble KKK. Mais une enfant, Blanche, assiste et survit au massacre grâce à l’aide d’un mercenaire repenti. Devenue une jeune femme, Blanche de Péronne se fait chef de brigand, et entreprend d’assouvir sa vengeance en faisant chier tout le monde, à commencer par Mazarin et KKK, qui voient d’un mauvais œil cette inconnue perturber leur business. L’affaire fait tellement de bruit que la reine envoie son meilleur espion, Bonange, ex-super-agent en bout de parcours, qui tombe bien évidemment amoureux de la belle rebelle.

Avec ça, Bonvoisin s’est offert l’une des plus belles affiches d’une année pourtant faste en la matière. Lou Doillon dans le rôle-titre ne décevra pas ses fans, et Roshdy Zem est formidable dans le rôle de Bonange. Mais la meilleure surprise du film, c’est encore un Jean Rochefort disjoncté sous la soutane de Mazarin ! Autour d’eux, on croise Antoine de Caunes (KKK), Carole Bouquet (une Anne d’Autriche un peu SM qui s’habillerait chez Dior), José Garcia (Louis XIV à… treize ans, ça commence déjà à être une moins bonne idée), et même Gérard Depardieu (en D’Artagnan qui redéfinit la notion de grotesque).

A l’image de ce casting pas toujours employé au mieux, le résultat final, comme on pouvait le craindre de la part de Bonvoisin, se révèle plutôt bancal. Malgré quelques répliques truculentes – dont Jean Rochefort (qui avait déjà tâté de la soutane délirante dans Que la fête commence de Bertrand Tavernier en 75) s’approprie, pour notre plus grand bonheur, la majeure partie –, la plupart des joutes verbales ne dépassent pas ce qu’on pourrait entendre dans une cour de collège ; le film s’embourbe à plusieurs reprises dans une vulgarité vaguement racoleuse qui n’apporte rien à l’histoire ; la réalisation est assez nulle ; les références sont affichées de telle manière qu’elles en sont ridicules ; et de façon générale Bonvoisin n’a visiblement pas du tout réussi à gérer l’équilibre entre action et comédie (à tendance parodique, façon Z.A.Z.). Bref, et en dépit de quelques qualités, Blanche restera comme une déception de plus à mettre au compte d’un réalisateur-scénariste dont on peut se demander s’il n’a pas, lui aussi, un peu trop abusé de la " Poudre du Diable ".