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Astérix et Obélix, mission succès et rigolade


Gaulois, Gauloises ! Après Claude Zidi pour le premier volet, c’est Alain Chabat qui s’est vu confier 1) la lourde tache de mettre en scène les aventures égyptiennes des deux célèbres héros – et 2) le budget qui va avec, le plus gros à ce jour du cinéma français. Pas impressionné pour autant, Chabat renoue avec l’esprit des Nuls, invite ses copains, se permet le luxe de respecter la lettre et d’adapter l’esprit de l’album de Goscinny… Le résultat n’est certes pas un impérissable chef-d’œuvre, mais une déconnade jouissive, pharaoniquement disjonctée. Impérial !

Malgré un succès commercial honorable, la première adaptation au cinéma des aventures d’Astérix, Obélix et companix n’avait guère convaincu. En plus du problème de mettre en chair les dessins d’Uderzo, Zidi, en tentant un patchwork de diverses aventures du Gaulois au casques à petites ailes, n’était parvenu qu’à un copié-collé un peu indigeste de situation recopiées telles quelles, comme s’il avait voulu respecter à moitié la lettre mais que l’esprit était resté ailleurs. Chargé d’orchestrer le retour des malades, Chabat, lui, évite le problème. D’abord, il s’en tient à la trame d’un album précis, en l’occurrence Astérix et Cléopâtre (rebaptisé pour le cinéma Astérix et Obélix : mission Cléopâtre). Ensuite, parce qu’il ne se contente pas d’adapter la lettre, mais aussi l’esprit, c’est-à-dire qu’il renouvelle certaines références avec lesquelles Goscinny jouait à l’époque (la BD date quand même de 1965). Résultat, le film doit autant à l’humour du créateur d’Astérix qu’à celui de Chabat, celui des Nuls et de la Cité de la peur, un humour dans lequel on retrouve aussi celui, absurde, des Monthy Python – ou encore le goût de la parodie et du clin d’œil cinématographique hérité des ZAZ (Y a-t-il un pilote… un flic…) : de Jurassic Park à L’Empire contre-attaque en passant par Titanic (il faut voir Bernard Farcy en chef pirate hurlant "  Je suis le roi du monde ! " à la proue de son drakkar), Tigre et dragon ou Lawrence d’Arabie, ça n’arrête pas. Plus qu’au DeMille des Dix Commandements ou au Mankiewicz de Cléopâtre, voilà les vraies figures titulaires auxquelles renvoie cette fresque délirante.

L’histoire – faut-il la rappeler ? – se déroule à Alexandrie, où la grande Cléopâtre parie avec César qu’elle pourra lui construire le plus beau des palais en seulement trois mois, histoire de lui prouver que son peuple n’est pas décadent. Numérobis, l’architecte chargé de l’affaire, doit faire appel aux fameux Gaulois-qui-résistent-encore-et-toujours-à-l’envahisseur et surtout à leur potion magique, celle qui donne une force d’une force… D’autant qu’il faut affronter la jalousie de son rival, l’architecte Amonbofis, aussi cruel que bourré de talents (la monnaie égyptienne), l’hostilité des romains et également les revendications syndicales des ouvriers du chantier ! Mais de cette histoire déjà passablement décalée, Chabat fait l’occasion d’un festival de bons mots (" Itinéris a raison de pas l’SFR "), anachronismes en tous genres (l’invention des ascenseurs), situations abracadabrantesques (Obélix - Depardieu récitant Cyrano), gags plus ou moins légers, répliques déjà cultes et autres approximations historiques. Donnez un budget de plusieurs millions d’euros à Chabat, il s’en servira pour faire danser 800 Egyptiens sur du James Brown ! Et alors ? Alors on adore, tout simplement.

Le film doit aussi beaucoup à son casting. Plutôt que les stars européennes du premier volet, Chabat a préféré faire appel à ses amis humoristes. Si l’on retrouve donc Christian Clavier et Gérard Depardieu dans les rôles d’Astérix et Obélix, et si Claude Rich (qui semble toujours au bord du fou rire) fait un druide Panoramix plus vivant que son prédécesseur, ils se font voler la vedette par la tchatche d’un Jamel Debbouze au sommet de son art dans la peau de Numérobis : Egypte ou 9-3, même combat ! En toute modestie, Chabat s’est octroyé le rôle de César (un César décadent et un peu à la masse, d’accord, mais César quand même), sans le moindre doute parce qu’il se sentait le seul capable, d’un point de vue réaliste, d’avoir séduit une Monica Belluci plus qu’ultra-sexy en Cléopâtre dont les tenues ne cachent pas grand-chose d’un corps à rendre aphone le loup de Tex Avery – mais je m’égare – …du moins quand elle ne met pas son accent italien aux services d’un caractère irascible (il vaut mieux que Cléopâtre ne vous ai pas dans le nez, qu’elle a joli d’ailleurs). Chabat soigne aussi les seconds rôles : voici donc Edouard Baer, absolument génial en scribe doctoral, Isabelle Nanty incarne Itinéris, la syndicaliste qu’on a parfois du mal à capter, Gérard Darmon s’éclate avec les rictus serpentesques d’Amonbofils ; et aussi Dieudonné en centurion belliqueux, Chantal Lauby en espionne " invisible ", les Robins des Bois…

Tout cela n’est pas sérieux, c’est vrai. Justement, on en redemande ! Chabat prouve qu’un budget colossal peut être efficacement mis au service d’une joyeuse déconnade entre potes, tout en réalisant un inévitable carton au box-office gaulois, impérial, et peut-être un peu plus.