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Sous le soleil de… ?


Si en 1998 vous n’avez pas vu Abre los ojos d’Alessandro Amenabar (Ouvre les yeux dans la traduction française), voici Vanilla sky, son remake américain, avec Tom Cruise en vedette et son complice Cameron Crowe derrière la caméra, lequel s’est chargé de mettre un peu de culture pop dans cette transposition… sous des cieux couleurs vanille, aux frontières du réel.

Quand il a vu Ouvre les yeux, du nouveau prodige du cinéma espagnol Alessandro Amenabar, Tom Cruise a immédiatement acheté les droits. Enthousiasmé, il a décidé de produire aussi le troisième film d’Amenabar, les Autres, actuellement sur les écrans, un film qui met en vedette son ex-femme Nicole Kidman (avec qui il avait tourné Eyes wide shut, là aussi une histoire d’yeux et de fantasmes, mais ça n’a rien à voir), tandis qu’il confiait la direction du remake d’Ouvre les yeux (Vanilla sky, donc) à son ami Cameron Crowe – avec qui il avait déjà tourné Jerry Maguire – … et rencontrait sa nouvelle compagne Penelope Cruz sur le tournage, laquelle, d’ailleurs, reprend le rôle qu’elle tenait dans le film original d’Amenabar.

Vous avez l’impression de vous y perdre ? Eh bien vous n’êtes pas seul(e) puisque – quoique pour d’autres raisons – c’est justement aussi l’impression qu’a David, pourtant riche éditeur new-yorkais et séducteur invétéré, bref un sympathique petit con, surnommé " Citizen Dugland " par son conseil d’administration, que lui surnomme en retour, et tout aussi affectueusement, " les sept nains ". La présence de ces derniers mise à part, la vie de David a presque tout d’un rêve. Le jeune play-boy s’adonne aux délices d’une existence totalement désinvolte, traversant la vie comme sur une planche de surf entre quatre parties de jambes en l’air avec sa " copine de baise ", la belle Julie. Et puis voilà le même David, quelques temps plus tard (combien ?), le visage caché par un masque de latex, défiguré après un grave accident dû à une crise de jalousie de Julie, et sommé, dans sa cellule, d’expliquer à un psy paternaliste (Kurt Russel) pourquoi il a commis un meurtre. Entre les deux ? Voilà encore David, toujours lui, le même ou presque, tombant amoureux de Sofia, une belle jeune fille candide au non moins bel accent espagnol, et qui va enfin connaître l’amour, le vrai, lorsque… L’accident. Et une vie qui bientôt dérape, bascule, entre rêve et cauchemar, en tout cas loin, de plus en plus loin, de la réalité.

Si certains plans sont carrément décalqués de l’original, Cameron Crowe – dont on connaît depuis Presque célèbre le (lourd) passé de journaliste pour Rolling Stone – insuffle à sa version sa culture pop américaine. Ce qui ne se résume pas à ressortir pour la bande-son des classiques de Peter Gabriel ou Joan Osborne et à inviter Paul MacCartney à écrire la chanson du générique de fin, ce qui n’est déjà pas mal, mais lui permet aussi de glisser quelques allusions visuelles (une scène du Sabrina de Billy Wilder avec Audrey Hepburn ou une pochette de Bob Dylan, par exemple), certes parfois difficilement accessibles pour le néophyte, mais qu’on aurait tort de croire gratuites. Et puis il y a les ciels retravaillés à la manière de Monet, et surtout New York, dont le film commence par un superbe et surprenant survol vertical, ville vertigineuse à l’image de l’histoire et que Cameron Crowe – même s’il lui arrive de céder à la mode du montage façon vidéo-clip – arrive superbement, s’il en était besoin, à mettre encore une fois en valeur ; quant à la scène où David découvre Times Square complètement désert, elle a une sorte d’ampleur hallucinante qui ne se trouvait pas, il faut bien l’avouer, dans le film original avec Madrid pour décor… (On peut plutôt dire que la scène du film original privilégiait un sentiment d’ "inquiétante étrangeté", malheureusement gommé de façon quasi-générale par le remake.) Par contre, le côté "pop" peut parfois devenir franchement énervant, comme par exemple lorsque les personnages définissent leur psychologie en fonction de leur Beatles préféré… Mais quoi qu’il en soit, le passage de l’Atlantique permet aussi à Cameron Crowe de réfléchir sur la culture U.S. d’aujourd’hui – et la nôtre –, la liberté sexuelle notamment : ce qui cause la perte de David, c’est de croire que tout, à commencer par le sexe, est sans conséquence. Il découvrira finalement l’importance des " petites choses " (bon, d’accord, on a connu des révélations plus ébouriffantes !), et pourra recommencer sa vie sous des cieux nouveaux…

David, on l’aura compris, c’est Tom Cruise, un rien égocentrique peut-être dans sa façon de squatter 80% des plans, mais après tout on est une star ou on ne l’est pas, et il livre là (malgré une tendance certaine à forcer le pathos quand il se balade avec son maquillage de Quasimodo) une composition forte et inattendue. Face à lui, Penelope Cruz reprend le rôle de Sofia, sexy et charmeuse, mais la palme revient à Cameron Diaz, qui prête son corps de rêve à l’allumeuse Julie, et nous surprend par son intensité, sans toutefois quitter vraiment son registre habituel… Ce qui est, quand on y pense, est un petit peu étrange, non ?… Attendez… aurions-nous nous aussi… ?…