Liste alphabétique des critiques

Citations

Liste chronologique des critiques

Et moi, et moi, et moi…


Pression sanguine

Pour son premier passage derrière la caméra, Gilles Marchand orchestre avec Qui a tué Bambi ? un thriller oppressant situé dans le milieu hospitalier, dont il exploite habilement l’ambiance. Hélas, le film pâtit d’un scénario moins convainquant. On en retiendra surtout la révélation d’une actrice, Sophie Quinton, dans le rôle principal.

Isabelle, qui prépare son diplôme d’infirmière, effectue un stage à l’hôpital dans lequel officient déjà Véronique, sa grande sœur, et son petit ami, brancardier. Un soir, elle est victime d’un malaise et s’évanouit, heureusement devant un chirurgien renommé, le docteur Philipp, qui la surnomme alors Bambi (parce qu’elle ne tient pas sur ses jambes). Il devient pour elle une sorte de protecteur omniprésent, dont elle ne tarde pas à relever par ailleurs l’étrangeté du comportement. Des médicaments disparaissent, une patiente aussi, les opérations tournent au cauchemar à cause d’anesthésiants bizarrement inefficaces. Bambi est persuadée de l’implication du docteur Philipp. Problème : elle n’a aucun moyen de le prouver, et elle est encore en-dessous de la vérité.

Avis aux amateurs de thrillers à l’ambiance oppressante, Gilles Marchand a parfaitement su capter toutes les possibilités du milieu dans lequel il a planté sa caméra. Si les couloirs aseptisés des hôpitaux et leur blanc immaculé vous mettent mal à l’aise, que la simple vue d’une seringue vous fait tourner de l’œil, il vaudrait peut-être même mieux pour vous passer votre chemin, du moins si vous ne voulez pas que l’arrivée dans la salle de projection du SAMU venu vous secourir ne dérange vos voisins spectateurs. La mise en scène soignée (c’était le moins qu’on pouvait attendre dans un tel contexte) renforce encore l’inquiétante étrangeté qui se dégage du décor.

Las ! Assez bizarrement si l’on considère que si Qui a tué Bambi ? est son premier film à la réalisation, mais que le monsieur a du passé en matière de scénario – dont celui de Harry, un ami qui vous veut du bien (c’est ce qu’on appelle présenter des références sérieuses) –, c’est tout de même bien sur ce dernier point, et non sur l’autre, que pèche le film de Gilles Marchand. Les séquences où le docteur Philipp se retrouve seul face à ses patientes endormies ont beau être de plus en plus explicites, tout le monde aura compris dès le début la véritable nature de ses agissements. On peut alors se demander pourquoi une telle attention est apportée aux détails – un des grands atouts du scénario il est vrai – alors que « l’énigme », qui du coup n’en est pas vraiment une, est résolue au bout de dix minutes. Inversement, Isabelle, de son côté, s’obstine à ne rien voir venir (jusqu’à, si j’ose dire, se faire mettre elle-même les points sur les i), apparemment victime d’un blocage psychologique sur les « indices » les plus évidents. Dans de telles conditions, bâtir une intrigue de plus de deux heures sur la confrontation entre les deux personnages tient – peut-être – d’une volonté d’originalité, mais – certainement – aussi du suicide. Certes, cela met au cœur du scénario le thème de la manipulation mentale, lui aussi exploité de façon intéressante : intimidation, vexation, séduction... Mais on a l’impression que le film s’étire en longueur, pour virer finalement au grand-guignolesque. Les séquences de rêves pourraient être vues comme symptomatiques du film : si elles sont réussies d’un point de vue esthétique, on se demande bien ce qu’elles apportent à l’intrigue, à part des minutes, ce qui n’était pas franchement nécessaire.

Côté casting, par contre, le choix des interprètes du duo principal a été particulièrement judicieux. Laurent Lucas est inquiétant à souhait. Ses apparitions fantomatiques et son jeu ambigu, tour à tour séduisant et froidement décalé, font merveille. C’est hélas dans les dernières minutes du film, où il devrait être le plus effrayant, qu’il l’est le moins – la faute encore une fois au scénario. Face à lui, la jeune Sophie Quinton fait ses premiers pas à l’écran dans le rôle de Bambi. Deux grands yeux de biche, un physique légèrement inhabituel, un don semble-t-il (et si ce n’est pas le cas c’est d’autant mieux imité) pour incarner un personnage en perdition, une manière de jouer très personnelle et assez étrange quand on y repense, c’est la révélation du film. On pourrait bien ré-entendre parler d’elle. En tout cas, on voudrait bien.